L’article 12, §2, point 3 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques prévoit que:

La confiscation spéciale ou l’amende subsidiaire prévue à l’article 14 de la présente loi sera toujours prononcée, si le conducteur du véhicule a commis de nouveau un des délits spécifiés aux deux alinéas qui précèdent avant l’expiration d’un délai de trois ans à partir du jour où une précédente condamnation du chef d’un de ces mêmes délits sera devenue irrévocable.

Le conducteur qui conduit une nouvelle fois en état d’ivresse au cours d’une période de trois ans à partir du jour où une précédente condamnation du chef de conduite en état d’ivresse sera devenue irrévocable voit dès lors son véhicule confisqué. En utilisant les termes « sera toujours prononcée », le législateur n’a en effet pas laissé de marge d’appréciation aux Tribunaux.

La sanction édictée par l’article 12, §2, point 3 de la loi modifiée du 14 février 1955 pouvant être particulièrement sévère, celle-ci a fait l’objet de nombreuses contestations.

Par un arrêt du 7 janvier 2011, la Cour constitutionnelle avait déjà retenu la conformité de cette disposition à l’article 10bis (1) de la Constitution (les Luxembourgeois sont égaux devant la loi).

Suite à une nouvelle question préjudicielle, elle a été appelée à se prononcer sur la conformité de cette disposition à l’article 14 de la Constitution (nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi). La question lui déférée était la suivante:

L’article 12, paragraphe 2, alinéa 3 de la loi modifiée du 14 février 1955 combiné avec l’article 14 de la même loi et avec l’article 31, alinéa 3 du Code pénal sont-ils conformes à l’article 14 de la Constitution qui prescrit le principe de la légalité des peines,

dans la mesure où une peine, pour être légale, doit être déterminée, c’est-à-dire comporter un minimum et un maximum,

alors qu’aucun maximum n’est prévu ni pour la valeur du véhicule à confisquer, ni pour l’amende subsidiaire à prononcer au cas où cette confiscation s’avérerait impossible.

En l’occurrence, il faut relever que le prévenu avait roulé une voiture de sport d’une valeur importante. La confiscation de ce véhicule lui a naturellement causé un dommage plus important que la confiscation d’une vieille voiture de faible valeur. Or, la loi ne fait aucune différence entre ces deux situations: la voiture confisquée est celle conduite par le prévenu récidiviste au moment de la commission de l’infraction (conduite en état d’ivresse).

D’après le prévenu, la peine prévue par l’article 12, §2, point 3 de la loi modifiée du 14 février 1955 ne serait dès lors pas spécifiée avec la précision requise par l’article 14 de la Constitution.

La Cour constitutionnelle, par un arrêt du 9 mars 2012 ( n° 00071 du registre), n’a pas suivi cet argument en retenant que:

Considérant que la peine, pour suffire aux exigences de la Constitution, doit être suffisamment déterminée, c’est-à-dire qu’elle doit en principe comporter un minimum et un maximum indiqués dans la loi ;

Considérant que dans le régime de la confiscation spéciale prévue aux articles 12 et 14 précités de la loi du 14 février 1955, le véhicule fait l’objet d’une confiscation en tant que bien qui a servi à commettre l’infraction et que, conformément aux dispositions de l’article 31 du Code pénal, la confiscation n’est prononcée que si le véhicule est la propriété du délinquant condamné ;

Considérant que l’article 12, paragraphe 2, point 3, de la loi du 14 février 1955 dispose que la confiscation spéciale ou l’amende subsidiaire sera toujours prononcée, si le conducteur condamné se trouve en état de récidive ;

Considérant que la confiscation spéciale s’analysant en une peine accessoire portant sur l’objet ayant servi à commettre l’infraction, en l’occurrence le véhicule, propriété du condamné en état de récidive, la peine se trouve par essence déterminée à suffisance, à travers la nature de l’objet à confisquer, sans qu’il n’y ait lieu à indication d’un minimum ou d’un maximum ;

Que pour l’amende subsidiaire, l’article 14, alinéa 3, de la loi du 14 février 1955 prévoit un maximum correspondant à l’objet visé par la confiscation en ce que l’amende subsidiaire ne dépassera pas la valeur du véhicule ;

Que dès lors, alors même que l’article 12, paragraphe 2, point 3 et l’article 14, alinéa 3, de la loi du 14 février 1955 n’indiquent ni un minimum ni un maximum de la peine encourue, les deux branches expressément formulées à l’appui de la question préjudicielle ne sont pas de nature à fonder une non-conformité de ces articles par rapport à l’article 14 de la Constitution ;

Considérant que d’une manière plus générale, la récidive s’analyse en une nouvelle infraction dans les conditions déterminées par la loi et après une condamnation coulée en force de chose jugée ;

Qu’elle comporte nécessairement un avertissement caractérisé dans le chef du condamné que s’il commet une nouvelle infraction dans un certain délai, la peine encourue s’en trouvera aggravée ;

Considérant que pour le cas de récidive le législateur est dès lors habilité à prévoir des peines aggravées qui sont en rapport avec l’objectif poursuivi et qui ne sont pas disproportionnées à celui-ci ;

Considérant qu’en prévoyant le caractère obligatoire de la confiscation dans les cas de récidive visés par l’article 12, paragraphe 2, point 3 de la loi du 14 février 1955, la loi répond à ces critères et n’a pas dépassé sa marge d’appréciation ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que par rapport à la question préjudicielle posée, l’article 12, paragraphe 2, alinéa 3, combiné avec l’article 14, alinéa 3, de la loi du 14 février 1955 ensemble l’article 31, alinéa 3, du code pénal n’est pas contraire à l’article 14 de la Constitution ;

La Cour a partant confirmé la conformité de l’article 12, §2, point 3 de la loi modifiée du 14 février 1955 à l’article 14 de la Constitution.

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